Le Goulag au féminin : l’expérience du traumatisme vécue et décrite par Evguénia Guinzbourg

Les récits autobiographiques de Evguénia Guinzbourg Le vertige et Le ciel de la Kolyma, publiés d’abord en Occident en 1967, demeurent un témoignage exceptionnel de la mémoire du traumatisme vécu par une femme au Goulag.

Depuis plusieurs années, le CESC s’intéresse à la question des femmes en Russie (plusieurs journées d'étude et une publication collective). Un aspect de cette thématique qui reste à explorer, dans lequel s’inscrit cette conférence, est celui de la femme au Goulag.
Une journée d'étude consacrée à l’étude de l’écriture féminine russe est prévue en 2019. Dans le cas d’Evguénia Guinzbourg, il est intéressant d’étudier la spécificité de cette écriture dans le contexte particulier de l’expérience traumatisante du Goulag.
Par ailleurs, le CESC est impliqué dans un projet d’étude consacré au « reportage littéraire polonais ». Or Le vertige et Le ciel de la Kolyma appartiennent indéniablement au genre du reportage littéraire, et peuvent donc être considérés comme un contrepoint russe au célèbre genre polonais.

Enfin, le thème du Goulag s’inscrit dans le projet commun adopté par le CESC, qui est d’étudier la société et la culture russe du point de vue des « résistances et contournements ». Or la vie au Goulag est une expérience de « résistance » à une entreprise de coercition, et elle n’est possible qu’en adoptant des stratégies de survie qui sont autant de « contournements ». D’après de nombreux observateurs, le Goulag s’est ancré dans le subconscient national et cette expérience peut être une des clés de lecture des comportements de la société contemporaine.

Dans la Russie contemporaine, malgré la publication avec un retard de plusieurs décennies des ouvrages de Soljenitsyne et Chalamov, l’évocation du passé carcéral est encore un sujet de résistance et il sera intéressant d’interroger la conférencière sur les stratégies de conservation de la mémoire et la transmission aux jeunes générations de la connaissance du passé.
Enfin, la question de l’écriture de la mémoire du Goulag s’inscrit parfaitement dans le projet transversal « Création culturelle et territoires », mais aussi dans « Politique, discours, innovation » en tant que discours spécifique destiné aux jeunes générations, sur une situation politique traumatisante du passé.

Antonina Axenova, fille de Evguénia Guinzbourg et sœur de l’écrivain dissident Vassili Axenov, vit et travaille à Francfort-sur-le-Main en tant que metteure en scène. Elle consacre beaucoup de temps au maintien et à la transmission de la mémoire de sa mère : elle réédite ses livres et intervient souvent en Russie, aux États-Unis, en Israël et d’autres pays ; elle collabore avec le Musée du Goulag à Moscou et avec le Musée de Vassili Axenov à Kazan. En 2015, elle a participé au tournage à Magadan du film documentaire d’un réalisateur allemand « Sur les traces du Goulag » dont elle pourra montrer quelques extraits pendant sa conférence. Actuellement, elle participe à la rédaction du scénario d’un nouveau film de Pavel Lounguine d’après le roman de Evguénia Guinzbourg Le Vertige.