Soutenance de thèse d'André Koumba Koumba

Titre : Les mobilisations afro-uruguayennes (1990-2015) : une approche de l’égalité citoyenne à partir de la variable ethnique.

Direction de thèse : Raul Caplan

Depuis la seconde moitié du XXe siècle, l’ethnicité est devenue un instrument de revendication des droits humains. En Uruguay, les Afro-descendants se servent de leur appartenance ethnique afin de revendiquer une reconnaissance de la spécificité de leurs problématiques, dans un contexte national où les politiques et les lois ont historiquement été adoptées en ignorant les possibles facteurs ethniques ou raciales des problématiques sociales.
Entre 1990 et 2015, les Afro-uruguayens se sont mobilisés pour l’inclusion d’une approche ethnique dans les réflexions politiques et juridiques sur l’égalité citoyenne. À travers leurs mobilisations, les Afro-uruguayens revendiquent tout d’abord leur visibilité dans les récits officiels sur la construction de la Nation. Cette orientation s’explique par la persistance d’un imaginaire national qui a occulté les apports historiques et culturels des descendants des Noirs, en construisant la mémoire d’une Nation ‘‘blanche’’.
D’autre part, les Afro-uruguayens se sont manifestés afin que les problématiques autour du racisme et de la discrimination raciale soient reconnues et traitées dans les sphères politiques et juridiques. Cet axe de leurs mobilisations s’inscrit dans un processus général de théorisation du racisme dans un pays où le concept a longtemps fait l’objet d’un tabou. Ainsi, parmi les actions mises en place par les Afro-uruguayens, l’une des préoccupations majeures a été de révéler l’existence d’un racisme subtil, dont les caractéristiques se retrouvent particulièrement dans le déni, et dont les conséquences sont visibles dans la sphère socio-économique du pays.
Enfin, la dernière orientation prise par le mouvement afro-uruguayen est celle qui consiste à exercer des formes de lobbying sur l’État en profitant des agendas politique et juridique à l’échelle internationale. Les actions menées par les Afro-uruguayens ont eu pour principal objectif la multiplication des mécanismes politiques et juridiques sur l’équité raciale. En effet, dans un contexte mondial de reconnaissance politique et juridique des discriminations liées à l’appartenance raciale, et de lutte institutionnelle contre ces formes d’exclusion, les organisations afro-uruguayennes se sont saisies de ces occasions favorisées par l’émergence et l’affirmation de ces questions dans l’agenda global afin non seulement de ressortir les limites des actions posées par l’État uruguayen, de construire des alliances pour se fortifier, mais aussi de construire un réel dialogue avec les différentes institutions de lutte pour le respect des droits de l’Homme dans le monde.
La période que nous avons étudiée nous a permis de comprendre que les identités ethniques et de genre ont été utilisées par les collectifs afro-uruguayens comme des instruments de lutte pour la reconnaissance et l’inclusion politiques, sociales et culturelles de leur communauté. Mais elle nous a aussi révélé des efforts importants de la part de l’État uruguayen dans le processus d’inclusion des minorités ethniques et des Afro-uruguayens en particulier. Malgré les critiques émises concernant les engagements de l’État, la période 1990-2015 se révèle être celle de la reconnaissance et de l’inclusion de la variable ethnique dans les politiques publiques et les lois d’un pays qui a historiquement traité les problématiques sociales et culturelles en des termes universalistes.

Membres du jury