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Séminaire "Le détail"

Séminaire / Recherche

Le 3 mars 2017

Saint-Martin-d'Hères - Domaine universitaire

La première séance du séminaire sur « le détail » porté par l'axe « Poésie » du centre de recherche CEMRA/ILCEA4 sera animée par Jean-Marie Fournier, Professeur à l'Université de Paris 7 - Paris Diderot.

Titre et résumé de la présentation :

"Ne vous chargez jamais d’un détail inutile" (Boileau) : détail et écriture à partir du romantisme

La citation de Boileau fait entendre de manière claire l’opposition du goût classique à l’utilisation, en tout cas trop profuse, de détails. A l’inverse, l’époque romantique instaure des modalités d’écriture dans lesquelles les détails prolifèrent, au risque de modifier radicalement la perception, voire la compréhension, du propos. L’œuvre de Thomas de Quincey est traversée par cette tension, que j’essayerai de dégager et de comprendre. Je m’appuierai pour cela en particulier sur ses Confessions of an English Opium Eater de 1822 et sur les Suspiria de 1845. Contre la pratique de Wordsworth dans, par exemple, « Tintern Abbey » ou « The Leech Gatherer », ou celle de Dorothy Wordsworth dans son Journal ou sa correspondance, De Quincey laisse les détails (dont tous ne sont pas des effets de réel ou des éléments de la symbolisation de son texte) envahir l’espace de l’écriture, comme ils envahissent celui de sa conscience ou de son inconscient, produisant des effets de sidération dont l’écho (typiquement romantique) et l’onde de choc se poursuit jusqu’au Modernisme. Peut-être d’ailleurs Boileau craignait-il cet embarras du moi lorsqu’il conseillait à son auteur idéal de s’abstenir de trop donner de détails inutiles. Le détail, à plus d’un sens, est gênant pour le lecteur.

Texte de cadrage du séminaire :

La thématique retenue par le CEMRA pour le contrat quinquennal 2015-2020 est celle des « lieux de passage ». C’est sur la base de cette notion que l’axe « Poésie » organisera un séminaire sur la notion de « détail ». En effet, le détail est, par définition, ce sur quoi le regard passe sans y prêter vraiment attention, ce dont la conscience se désintéresse spontanément, ce qu'elle délaisse au profit du sens global, obvie, saisi de prime abord. Pourtant, si le détail peut être considéré comme l'insignifiant même, il peut aussi tenir un rôle central dans l'économie de l’œuvre poétique et picturale. De ce point de vue, ce « petit rien » devient, à bien y regarder, le point d'ancrage de la signifiance, l'espace faussement futile d'une émergence, la zone secrète de la sécrétion du sens où s'élabore une logique insistante donnant à l’œuvre toute sa densité. Ainsi le lièvre minuscule – presque imperceptible – détale-t-il devant la locomotive dévorante du célèbre tableau de Turner (Rain, Steam and Speed), alors que le faisan (cock-pheasant en anglais...) – dont une seule plume reste visible – s'absente mystérieusement des genoux de la castratrice Mrs Andrews dans la toile inachevée de Gainsborough (Mr and Mrs Andrews). Dans ces deux cas, loin d'être anecdotique, la valeur du détail est matricielle. De la même manière, et parmi de nombreux autres exemples, les chevilles enflées de Simon Lee – détail grossier mais extraordinairement grossi (voir les nombreuses répétitions) du poème éponyme de Wordsworth – délivrent l'essence même de l'esthétique du romantique, tandis que le vers ajouté par Tennyson à son sonnet « The Kraken » (vers lui-même excédentaire d'un pied) révèle la prégnance d'un désir indicible qui s'incarne dans la langue sous la forme d'une broutille métrico-linguistique. Abolis bibelots d'inanité sonore et visuelle (dira-t-on pour emprunter en l'adaptant sa belle formule à Mallarmé), ces détails informent ainsi les œuvres dont ils représentent peut-être la clé. Mettre au jour les implications historiques, esthétiques, philosophiques ou psychanalytiques des grandes œuvres poétiques et picturales du monde anglophone : telle sera l'ambition de ce séminaire au cours duquel, paradoxalement, l'insignifiant présidera à l'élaboration du sens.

Contact : sebastien.scarpaatuniv-grenoble-alpes.fr

Le séminaire est ouvert à tous.

Date

Le 3 mars 2017
Complément date
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de 10h30 à 12h30
salle Jacques Cartier - Maison des langues et des cultures

Localisation

Saint-Martin-d'Hères - Domaine universitaire

Complément lieu
salle Jacques Cartier - Maison des langues et des cultures
Université Grenoble Alpes

Contact

Sébastien Scarpa

sebastien.scarpa [at] univ-grenoble-alpes.fr

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Publié le 14 juin 2018

Mis à jour le 24 octobre 2018