Rencontre avec le sociologue russe Alexander Bikbov

En vertu de la contribution cardinale des médias, la vie sociale et politique russe est décodée aujourd'hui dans l'optique du nouvel autoritarisme, du populisme paternaliste et d'un traditionalisme endurci. Ce sont les formes de cette anti-modernisation explicite. Cette optique dissimule pourtant un ultra-modernisme néolibéral qui se propage dans les politiques sectorielles, au même titre qu'à l'échelle européenne. Austérité dans le secteur de la santé, commercialisation de l'éducation, réduction des effectifs dans le service public s'accompagnent mutuellement (et souvent plus rapidement qu'en Europe) avec les restrictions de liberté d'opinion, les persécutions anti-LGBT et l'isolationnisme économique de façade. Une analyse parallèle de ces tendances paternalistes et néolibérales, visiblement contradictoires, offre une compréhension plus complexe et complète de la Russie. Une autre question est celle des représentations de la structure sociale relative à ces tendances et à cette complexité. Quel rôle dans cette construction est notamment attribué à la classe moyenne qui avait été précédemment désignée comme l'opérateur principal des tendances démocratiques dans la société russe?

Alexander Bikbov est sociologue, directeur adjoint du Centre de philosophie contemporaine et sciences sociales de l'Université de Moscou Lomonossov, membre associé du Centre Maurice Halbwachs (ENS, EHESS, CNRS). Ses domaines de recherche sont les suivants : sociologie historique des concepts sociaux, perception des inégalités, sociologie de la science et des réformes universitaires, mobilisation de protestation.